Le juge peut souverainement déduire des éléments d’espèce que les époux avaient eu la volonté de fixer en France le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens de l’article 3, § 1, sous a), premier tiret du Règlement dit « Bruxelles II bis » se trouvait en France, et qu’il était compétent pour connaître de leur divorce.

Faits et procédure. Deux époux, de nationalité belge, se sont mariés en Belgique. La question de la compétence du juge s’est posée lorsque l’épouse a présenté une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales français.

Notion de résidence habituelle. La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 3, § 1, sous a), premier tiret, du Règlement (CE) n° 2201/2003, du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis », sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve la résidence habituelle des époux.

À  noter que le Règlement (UE) 2019/1111, du Conseil, du 25 juin 2019, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants, surnommé « Bruxelles II ter » a remplacé le Règlement dit « Bruxelles II bis », et s’applique aux procédures engagées, aux actes authentiques formellement dressés ou enregistrés et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale à partir du 1er août 2022. La même règle, sous les mêmes références, demeure.

La Haute juridiction s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 25 novembre 2021, aff. C-289/20 ) pour définir cette notion de résidence habituelle, qui est caractérisée, en principe, par deux éléments :

  • d’une part, la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé ;
  • d’autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné, l’environnement d’un adulte étant de nature variée, composé d’un vaste spectre d’activités et d’intérêts, notamment professionnels, socioculturels, patrimoniaux ainsi que d’ordre privé et familial, diversifiés.

Caractérisation de la résidence. En l’espèce, la cour d’appel a relevé qu’après avoir vécu pendant longtemps à l’étranger en raison de l’activité professionnelle de l’époux, le couple, propriétaire d’une maison en Belgique occupée par sa fille aînée depuis 2013, et d’une villa en France, louée jusque fin 2017, était revenu en Europe en mai 2018, date à laquelle, tout en déclarant sa résidence principale dans sa maison belge, il avait fait déménager divers meubles de cette dernière à la villa française, pour s’y installer début juin 2018.

Elle a constaté que la villa, d’abord assurée en tant que résidence secondaire, était désormais assurée sans précision particulière et que le couple y avait entrepris divers travaux d’entretien et de réparation, en effectuant la quasi-totalité de ses dépenses courantes dans cette ville ou dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, où il avait développé un réseau relationnel et amical.

Par ailleurs, depuis leur installation, les époux résidaient essentiellement dans la villa française et ne rentraient que pour de courts séjours en Belgique, où ils avaient conservé des intérêts administratifs et financiers.

Dès lors, le juge a pu souverainement en déduire qu’à partir du mois de juin 2018, les époux avaient eu la volonté de fixer en France le centre habituel de leurs intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable. Leur résidence habituelle au sens de l’article 3 précité se trouvait donc en France.

Considérant qu’il n’y avait pas de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, la Haute juridiction a ainsi décidé de ne pas saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

Cass. civ. 1, 30 novembre 2022, n° 21-15.988