Une nouvelle fois, à ce sujet, on lit tout et n’importequoi dans la presse… à commencer par le texte même de la « proposition de loi relative au principe de garde alternée des enfants »

Messieurs les députés (puisqu’en l’occurrence, il s’agit d’une idée d’hommes) :

  • on ne parle plus de « garde » des enfants depuis les lois du 22 juillet 1987 et du 8 janvier 1993 consacrant la notion de « communauté parentale » mais de « résidence », car on a heureusement fini par penser et comprendre que l’enfant ne se garde pas comme une chose, mais a un lieu de vie et d’épanouissement… Pour ces hommes qui sont censés faire nos lois, passer à côté de ce changement de terminologie qui a été un vrai virage pour le changement des mentalités à ce sujet… c’est dommage !
  • Les chiffres doivent être lus en entier, et dans leur compréhension globale. Il est inutile de dire   » seulement 17% des enfants sont en résidence alternée », si on n’ajoute pas que ce chiffre ressort des conventions (et donc des accords trouvés par les parents). Il faut alors rajouter que en cas de désaccord des parents, dans 24 % des cas, le Juge prononce une résidence alternée (donc bien plus qu’en cas d’accord des parents. (source rapport du ministère de la justice)
  • Il faut surtout prendre en considérations tous les cas où le père refuse de prendre les enfants… J’avais encore dans mon bureau hier un père, qui me disait qu’il voulait fortement s’impliquer auprès de ses enfants, et qui me proposait de les prendre, en plus d’un week-end sur deux, le mercredi après-midi !
  • Il faut prendre en considération encore que la loi elle-même pose le principe de la résidence alternée. Ainsi, l’article 373-2-9 du code civil  prévoit :
    1. La résidence de l’enfant peut être fixée en alternance
    2. A la demande d’un des parents, ou en cas de désaccord entre eux, le juge peut ordonner à titre provisoire la résidence alternée
    3. Ce n’est que après ces deux cas de figure que le texte envisage le fait que la résidence de l’enfant puisse être fixée au domicile de l’un des parents.

Cessons de penser la résidence de l’enfant comme un combat dans lesquels les pères seraient dépossédés de leurs droits. Je n’y crois pas, je ne le constate pas dans mes dossiers.

Je peux citer des dizaines d’exemple où mon client, père, et malgré l’opposition de la mère, a obtenu la résidence de l’enfant, parce que c’était l’intérêt de l’enfant.

Il faut comprendre que dans la grande majorité des cas, les parents sont d’accord pour le lieu de résidence de l’enfant : le taux d’accord augmente avec l’âge, partant de moins de 70% lorsque la décision a impliqué un père âgé de moins de 25 ans pour atteindre 85% dans les décisions concernant
des pères de 40 ans ou plus. Et il faut voir que même lorsque les parents n’étaient pas d’accord, le juge a ordonné parfois (dans 25 % des cas) une résidence alternée…

Mais il faut comprendre aussi que certains parents sont déraisonnables :

  • Lorsque l’un des deux soutient qu’une résidence alternée est possible quand les domiciles sont distants de 45 mn
  • Lorsque l’un des deux soutient qu’une résidence alternée est possible avec un nouveau né de 6 mois
  • Lorsque l’un des deux soutient que la résidence alternée ne pose pas de problème alors que le conflit parental est tel que la police en est régulièrement saisie
  • etc…

Le texte de la proposition de loi pose le principe selon lequel la résidence de l’enfant sera fixée au domicile de chacun de ses parents, afin de traduire leur égalité.

L’égalité de qui ? des parents ? Peut-on vraiment penser que on va faire de l’enfant le moyen de « traduire l’égalité des parents » ?

Lorsque les parents n’ont pas trouvé d’accord et que nous devons plaider devant un juge aux affaires familiales, régulièrement, lorsqu’un des parents, ou son avocat, parle un peu trop de lui, de son besoin ou de son droit d’avoir l’enfant avec lui, les juges rappellent que ce qui dirigera son raisonnement, sera l’intérêt de l’enfant.

La convention internationale des droits de l’enfant adoptée par les Nations Unies en 1989 et ratifiée par la France en 1990 rappelle d’ailleurs  « le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. » (article 9)

Messieurs les députés, peut-être que si vous passiez plus de temps avec vos propres enfants, vous auriez d’autres propositions à proposer à notre Assemblée…