Par un arrêt publié du 2 décembre 2020, la Cour de cassation décide que l’application d’un contrat de mariage français peut, dans certains cas, être écartée par le juge américain chargé de prononcer le divorce.

Un homme de nationalité française épouse en France une femme de nationalités russe et américaine en 1991, sous le régime de la séparation de bienssuivant contrat de mariage reçu par notaire en France. Ils s’installent ensuite aux États-Unis, où naissent leurs deux enfants. L’épouse saisit en 2001 la « Supreme Court » de l’État de New York d’une requête en divorce. Par « decision and order », un premier juge américain rejette la demande du mari tendant à voir dire le contrat de mariage français valide et exécutoire, et écarte l’application de ce contrat. Un autre juge américain rend une « trial decision » puis un « judgement of divorce ». Il prononce ainsi le divorce aux torts du mari et confie la garde des enfants mineurs à la mère, avec un droit de visite et d’hébergement au profit du père, en précisant que la mère devra consulter le père sur toutes les décisions significatives concernant les enfants mais qu’elle aura le pouvoir de décision finale. Il fixe également les modalités de contribution du père à l’entretien et l’éducation des enfants, alloue à l’épouse une pension alimentaire mensuelle pendant sept ans et statue sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Sur ce dernier point, le jugement est partiellement réformé par une décision de la cour d’appel de l’État de New York, qui a notamment dit que l’intégralité du solde du produit de la vente de l’appartement new-yorkais du couple devait revenir au mari.

L’ex-épouse saisit en 2005 le tribunal de grande instance de Paris d’une demande d’exequatur des décisions américaines en leurs seules dispositions relatives aux pensions alimentaires. À titre reconventionnel, son ex-mari demande que soit déclaré inopposable en France le jugement américain ayant écarté l’application du contrat de mariage. Le tribunal lui donne raison sur ce dernier point mais prononce l’exequatur des décisions relatives aux pensions alimentaires. La cour d’appel ayant infirmé le jugement du TGI, l’ex-mari porte l’affaire devant la Cour de cassation.

La Cour de cassation décide qu’une décision rendue par une juridiction étrangère « n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d’espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. »

A se demander alors pourquoi faire un contrat de mariage ?…

Cette décision de la Haute Cour de Justice est très surprenante… car elle vient dire que le refus de prendre en considération un contrat de mariage n’est pas la violation d’un principe essentiel. C’est ainsi passer le message « faites donc des contrats, et appliquez les si vous voulez… »

Cette décision doit être un signal fort (un de plus) pour les français résidant à l’étranger pour les précautions à prendre en matière patrimoniale.